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Section Le Caméléon (The Pretender)

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La lettre volée (page 2)

Auteur : Cebe89 ( cebe898@yahoo.fr )

Où le situer : Il se situe "après le téléfilm 2, Island of the Haunted donc si vous ne voulez pas savoir ce qui s'est passé, ne lisez pas ! L'histoire se passe environ 3 mois après Carthis".

Genre : Action, Romance J & P, Mythologie

Personnages : Les persos évoqués (Jarod, Parker, Raines, Lyle, Sam, Catherine, Sydney, Broots, ...) sont les personnages habituels du Caméléon, cf disclaimers.

Disclaimers : Bien entendu ni l'auteur de la fic ni l'auteur de ces pages web ne touchent un sou pour cette fic et cette publication... Les personnages de tP ne nous appartiennent (malheureusement) pas, ils sont à Craig W. Van Sickle et Steven Long Mitchell, et les droits aux chaînes possédant la série (cad TNT logiquement, entre autres).

"Les personnages ne m'appartiennent pas. Je ne fais pas ça pour l'argent, juste pour le plaisir de partager ce que je pense et ma vision des personnages de cette fantastique série. "

Résumé : Jarod disparaît mystérieusement, enlevé dans des circonstances étranges...

Notes : Note de l'auteur, mise en place de la fic : " - J'ai lu pas mal de fics et je voudrais m'excuser auprès des autres auteurs si j'ai parfois emprunté une ou deux idées d'une autre histoire. Je me suis aussi inspiré d'un roman que j'ai lu : Dernière conversation dans la nuit (qui n'a d'ailleurs rien à voir avec la série) donc ne vous étonnez pas si une ou deux phrases vous semblent familières. Je les ai empruntées parce que je les trouvais justes ou amusantes. Je ne pense pas avoir causé de torts mais si par hasard, l'un de ces auteurs (des fics bien évidemment) venait à lire mon histoire et ne serait pas d’accord sur le fait le fait que j'aie emprunté une de ses phrases, qu'il me le fasse savoir et je l'enlèverai.
- Les transcripts des épisodes sont recopiés mot pour mot si jamais ça peut vous servir. Source: les enregistrements des épisodes... (lol) "

Notes de Syd : Vala, mes commentaires sont en vert comme d'hab'.

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Chapitre 5 :

Supermarché, centre de Miami :

Jarod :

Ils m'ont ramené dans la première cellule.
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis retenu ici. Je ne me rappelle plus depuis combien de temps je n'ai pas bu, ni mangé. Le pire, c'est qu'ils m'ont drogué... Je ne sais plus où je suis, je suis perdu. Je sais que je ne suis pas au Centre et que je ne suis pas en liberté... c'est tout.
Ca a été une horreur, la garde à vue...
Les lumières m'éblouissaient et Fred n'y est pas allé de main morte. Résultat : je saigne du nez et j'ai l'arcade sourcilière ouverte. Je crois même que j'ai un oeil au beurre noir. Je ne dois pas être beau à voir...
Soudain, la porte s'ouvre dans un éclat et la lumière m'éblouit à nouveau. Mais là, malgré la lumière, je reconnais la silhouette. Je la reconnaîtrais entre mille.

- Mlle Parker...
- Contente de voir que tu as toujours ta tête... ça serait dommage non ? Cinq ans de traque sans relâche pour rien !

Toujours ses répliques cinglantes ; signe que tout va bien chez elle.

- Alors ? Prêt à rentrer à la maison ?

Je ne réponds pas. Je tente de me lever mais je ne sens plus mes jambes et m'affale devant elle.

- Quel spectacle... Aller, Jarod. C'est fini ! Tu vas te lever bien sagement et te tenir tranquille le temps que je te passe les menottes et après, tu rentres avec nous.

J'aperçois vaguement Sydney et Broots derrière elle en compagnie de Fred.

- C'est quoi le marché ? Lancé-je pendant qu'elle s'affaire à me menotter.
- Quel marché ? Demande Parker.
- Combien tu leur as donné pour qu'ils acceptent que tu m'emmènes ?
- Pas besoin d'argent mon pauvre Jarod, tout ça est dépassé ! Le Smith et Wesson ainsi que la garantie que tu seras enfermé 24h/24 ont suffi à ce qu'ils se rendent bien sagement de mon point de vue, répond-elle en jetant un regard vers Fred. Aller, lève-toi maintenant!!

Sydney s'approche et m'aide à me relever. J'ai juste le temps d'attraper ma veste et Fred me pousse hors de la cellule.
Parker sort de la pièce. Je la suis, Sydney me tenant par le bras, Broots derrière et Fred en dernier.

* * *

Mlle Parker, à peine sortie du supermarché, sort son portable et je la vois gesticuler à quelques pas de moi. Je ne l'entends pas à cause du brouhaha de la ville mais je devine que les choses ne se passent pas comme elle les avait prévues. Après avoir lancé tout un tas de jurons que je ne citerai pas, elle s'avance vers nous et nous annonce :

- L'hélicoptère ne peut pas venir ; il est en réparations. Il va falloir prendre un taxi jusqu'à Blue Cove. Comme on ne peut pas monter à quatre dans un taxi, on va se diviser en deux groupes. Sydney et Broots dans le premier, Jarod et moi dans le deuxième. Exécution !

Nous nous avançons donc vers la file de taxis et après que Parker ait donné ses instructions, nous nous engouffrons dans nos taxis. Je la vois donner discrètement un billet au chauffeur pour qu'il ne pose pas de questions à propos des menottes et elle s'assoit à ma gauche. Foutue vénalité !
J'ai l'impression de me retrouver trois mois en arrière, à notre retour de Carthis : Parker et moi étions assis, comme aujourd'hui, dans la voiture qui était censée me ramener au Centre.
La différence, c'est que je ne vais pas remettre mon discours foireux... J'ai la curieuse impression que le même souvenir est réapparu chez Mlle Parker.

- Tiens, tiens... une impression de déjà vu, n'est-ce pas, p’tit génie ? La différence, c'est la fin : cette fois tu rentres directement au Centre, illico dans ta cage.
- Tu es tellement sûre de toi ?
- Je ne vois pas ce qui pourrait se mettre en travers de mon chemin...
- Il y a trois mois non plus, tu ne voyais pas ce qui pouvait se mettre en travers de ton chemin... dis-je en la regardant dans les yeux.

Elle ne répond pas.

- Tu es contente, au moins ? Demandé-je.

Elle lève la tête et me regarde ; bien dans les yeux. Puis elle détourne la tête vers la fenêtre. J'en fais de même.
Je vois le paysage défiler. Le premier plan rapidement, le deuxième un peu moins et le troisième presque lentement. Les arbres défilent, un bois borde la route. Je vois les oiseaux voler. Le ciel se charge de nuages: il y a de l'orage dans l'air.
J'ai un goût amer dans la bouche. Je ne sais même pas si je suis soulagé ou non que Mlle Parker m'ait tiré des griffes des trafiquants. Je reviens au point de départ : les caméras de surveillance, la détention, les simulations... les néons.

* * *

Mlle Parker :

« Tu es contente, au moins ? »
Cette question résonne dans ma tête. Est-ce que je le suis ? Je ne me suis même pas posé la question. J'ai peut-être peur de la réponse... ou de ce qu'elle peut signifier.
« Au moins »
Comme si c'était une fatalité... comme s'il acceptait le fait et qu'il se consolait en pensant que son malheur pouvait créer un quelconque bonheur chez moi. Ou plutôt un réconfort... c'est effrayant !
A moins que... qu'il ne me mette devant le fait accompli pour essayer de me faire cracher le morceau... oui, ça lui ressemble plus !
Mais... encore faut-il qu'il y ait quelque chose à cracher - ce qui n'est évidemment pas mon cas...

Lorsque je n'ai pas répondu, il a tourné la tête et s'est mit à regarder le paysage. J'en ai profité pour le regarder. Il n'est pas très beau à voir ; il a dû être battu. Il saigne et sa figure est couverte de bleus. Il a maigri... enfin je veux dire, par rapport à la dernière fois que je l'ai vu (il y a trois mois). De plus, ils ont dû le droguer parce qu'il a l'air complètement shooté.
Il tourne la tête vers moi et je détourne rapidement la mienne. Il continue à me fixer. Comme il reste là, à me regarder, je suis obligée de lever la tête. Et je croise ses yeux. Ses yeux remplis de tristesse, de désespoir et d'amertume.

- Quoi ?
- Rien, dit-il en détournant le regard.

Soudain, un crissement de pneus nous arrache de notre petit bulle.

- Qu'est-ce qui se passe ? Demandé-je.
- Une voiture nous a doublée et vient de me barrer le chemin, répond précipitamment le chauffeur.

Je jette un oeil par la fenêtre.

- Sors ! Lancé-je en m'adressant à Jarod.
- Hein ?
- Sors, je te dis !

Il me regarde d'un air étonné et s'exécute. Je sors à mon tour.
Dans la voiture en face de nous, les trois types du supermarché – trois revolvers en plus...

- Vous croyiez vous en tirer comme ça, hein ? Lance Fred.
- Dommage pour vous qu'on ait vérifié votre identité ! Ajoute le deuxième.

Je regarde Jarod et d'un air entendu, je tire sur nos adversaires en même temps que nous nous précipitions dans les bois qui bordent la route. Jarod court devant moi, difficilement à cause de ses menottes. Je tire à l’aveuglette derrière moi sans me retourner tout en continuant à courir. Je crois que je n'ai jamais couru aussi vite de toute ma vie; même quand je poursuivais Jarod. Et je comprends maintenant que le fait de se savoir poursuivi donne des ailes... Ca doit bien faire dix minutes que l'on court...
Jarod m'a distancée, je ne le vois plus ! Soudain, je suis attirée dans un buisson par une main et je m'étale de tout mon long. Les épines du buisson me griffent et j'ai les cheveux dans la bouche et devant les yeux. Je m'apprête à protester lorsqu'une main me bloque la bouche et je reconnais les menottes. Jarod...

- Chut, tais-toi, murmure-t-il.

Il m'attire un peu plus vers lui pour cacher mes jambes et retire sa main de devant ma bouche. Deux minutes plus tard, je distingue trois paires de bottes passer devant le buisson qui nous abrite.

- Où sont-ils passés ? Demande une voix.
- J'en sais rien, ils étaient devant nous ! Répond une deuxième.
- Ils ne doivent pas être loin, continuons à chercher !

Et ils se remettent à marcher.
Nous restons planqués sous le buisson une bonne dizaine de minutes, pour être sûrs que les types ne nous retrouveront plus et nous sortons. Je retire les feuilles qui collent à mes vêtements et m'époussette. Jarod en fait autant.
Je relève la tête pour le regarder et c'est là qu'il s'évanouit !!

 

Chapitre 6 :

Forêt, quelque part entre Miami et Blue Cove. Dans les environs de 16 heures :

Jarod :

Des gazouillements, l'odeur des arbres, l'odeur de l'herbe mouillée.
J'ouvre les yeux. Je vois de la lumière. La lumière du jour - bien que pas aussi lumineuse que si le soleil brillait de tout son éclat. Je vois aussi des arbres, des feuilles, des oiseaux, la tête de Mlle Parker (!)
Je cligne des yeux. Oui, la tête de Mlle Parker est penchée sur moi...

- Alors... Tu as fini par te réveiller ?

Je fronce les sourcils et tente de me relever mais je n'ai pas assez de forces et je m'écroule.

- Reste tranquille. J'ai essayé de contacter le Centre mais je n’ai plus de forfait. Il va falloir attendre que Broots et Sydney se décident à m’appeler.

Je regarde autour de moi et je constate que Mlle Parker m'a couché sur un endroit moins dur que la terre et a relevé légèrement ma tête avec un morceau de bois. Elle a retiré sa veste et a accroché la mienne à côté de la sienne, à une branche.

- Qu... qu’est-ce qui s'est passé ? Demandé-je.
- Je ne sais pas, on sortait du buisson et... et tu t'es écroulé par terre. Ca doit être la fatigue et la drogue...
- ... et la faim. Ca fait combien de temps que je me suis évanoui ?
- A peu près vingt minutes...

Elle regarde les arbustes autour d'elle.

- Je n'y connais rien aux baies alors tu peux me dire lesquelles sont comestibles et lesquelles ne le sont pas ?

Je fais un effort pour écarter les paupières.

- Celles là, c'est bon, dis-je en désignant d'un coup de tête un ensemble de baies rouges. Et celles là aussi. Les noires.

Elle en cueille une poignée et les dépose sur un tas de feuilles en face de moi.

- Qui l'eût cru ? Lancé-je avec un léger rire. Mlle Parker, la fille du grand directeur du Centre aux petits soins avec Jarod, le rat de laboratoire !
- Ne dis pas de bêtises, Jarod ! S'écrie-t-elle. Je fais ça uniquement parce qu'il faut que tu sois en forme pour ton retour au Centre.

Nous nous défions du regard. C'est elle qui baisse les yeux en premier. Elle avale deux trois baies, non sans hésiter. Après tout, elle me fait confiance aveuglément...

- Bon, maintenant qu'on a semé nos poursuivants, il faut qu'on trouve un moyen de regagner la... civilisation, annonce-t-elle en jetant un regard autour d'elle.
- Ca ne te plaît pas de camper avec moi ?
- Je ne suis pas un animal sauvage, Jarod. Et je ne vois pas ce que rester vautrée dans la boue, avec un génie qui a le cerveau en bouillie, peut apporter comme plaisir.
- La nature... ah oui, c'est vrai que tu la vois tous les jours au Centre... dis-je avec un soupçon de sarcasme.

Elle me fusille du regard. J'avale quelques baies.

- Je vois que tu as retrouvé toute ta tête alors on va pouvoir se mettre à marcher, annonce-t-elle en commençant à se lever.
- J'ai été touché à la jambe...

Elle arrête net ses mouvements et se retourne.

- Quoi ?
- Tu as très bien entendu, j'ai été touché à la jambe, répété-je en lui montrant la tache de sang qu'a fait la plaie sur ma cuisse.

Elle soupire.

- J'ai une bande velpo dans la poche intérieure de mon blouson... dis-je.

Elle se lève et revient peu après avec la bande en disant d'un air fâché:

- Il va falloir que tu ailles à l'hôpital...
- C'est ça ! Reproche-moi de m'être fait toucher ! Pendant que tu y es, dis que je l'ai fait exprès, m'écrié-je.

Parker ne répond pas.

- Tu pourrais m'enlever ça, dis-je en désignant les menottes. Ca m'aiderait ajouté-je.

Elle baisse la tête mais ne dit rien.

- Si tu ne me les enlèves pas, tu vas devoir me faire le pansement... annoncé-je avec un léger sourire.
- Je n'ai plus les clefs...

Là je ne souris plus du tout et c'est à mon tour d'arrêter mes mouvements et de la fixer.

- Quoi ?
- Elles sont tombées de ma poche pendant que je courais.

Je soupire. Je regarde la plaie sur ma cuisse : le sang continue de couler. Je lève les yeux et surprends Parker en train d'observer ma blessure.

- Donne-moi ça, lance-t-elle en me retirant la bande des mains.
- C'est... c'est sur le haut de ma cuisse, expliqué-je.
- Tu vois une autre solution ?

Non, pensé-je... Mais... il va falloir que j'enlève mon pantalon. Rectification : il va falloir que Mlle Parker m'enlève le pantalon !
Je commence à enlever mon bouton et je vois les oreilles de Parker devenir toutes rouges. Elle m'aide à descendre le pantalon et comme je suis allongé et sans force pour aider le pantalon à glisser, on peut dire que ça résiste...
Dans d'autres circonstances, j'aurais ri du comique de la situation.
Mais dans d'autres circonstances, je ne serai pas là, allongé sur un tas de feuilles et d'herbe mouillée, Mlle Parker en train de m'enlever le pantalon au milieu d'une forêt quelque part entre Miami et Blue Cove...
Finalement, elle réussit à me le retirer et commence à m'enrouler la bande autour de la cuisse. Après avoir fait cinq tours, elle coince le bout. Elle a son visage à quelques centimètres du mien. Je la regarde dans les yeux.
Au bout de quelques secondes qui me paraissent des heures, elle recule son visage et je me racle la gorge.

- Maintenant, il faut remettre ton pantalon, annonce-t-elle.

Et la drôle de scène recommence.

- Voilà, avec ça tu devrais te débrouiller pour marcher jusqu'à la route, annonce finalement Parker.
- Attends, dis-je. Je crois qu'on ferait mieux de faire un feu et d'essayer d'attirer les secours. On va se perdre si on essaye de faire demi-tour.
- C'est ça ! Faire des signaux de fumée comme les Indiens ! Tu te crois où, Jarod ? Dans un film ?
- Tu préfères te perdre dans la forêt peut-être ?
- On a couru à peine dix minutes ! On devrait réussir à retrouver notre chemin ! Tu dis ça uniquement parce que tu ne veux pas rentrer au Centre.
- Tu crois que ça m'amuse de rester, avec une jambe ensanglantée, le visage plein de bleus, n'ayant pas mangé ni bu depuis des jours, perdu au milieu de la forêt ?

Je crois que mes arguments ont pesé parce qu'elle ne dit plus rien.

- Essaye de retrouver ton chemin si tu veux mais moi, je n'ai pas envie d'errer dans cette forêt. Regarde, il y a un tas de feuilles mortes, là. On pourra dormir dessus et avec nos vestes, on devrait tenir jusqu'à ce que les secours arrivent.
- Et comment on saura si les secours nous ont vus ?
- Tu ne comprends pas ? Le tas de bois, là, sur ta gauche, ne s'est pas fait naturellement. Quelqu'un vient ici régulièrement. On va faire un feu et attendre qu'il vienne ; il nous aidera à retrouver la ville.

Elle soupire. Je suppose que ça veut dire qu'elle est d'accord.

 

Chapitre 7 :

Toujours au même endroit, environ une heure plus tard :

Mlle Parker :

Nous avons cueilli tout un tas de baies, nous avons mangé et nous nous sommes installés sur un tas de feuilles.
Tout cela sans un mot - ou presque.
Je crois que ni l'un ni l'autre ne réalisons l'étrangeté de la situation... Enfin, le plus... hum le plus étrange est passé. Si quelqu'un m'avait dit, il y a trois jours, que je devrais enlever le pantalon de Jarod, au beau milieu d'une forêt, je crois que... enfin je ne sais pas ce que j'aurais fait. Au mieux, je lui aurais sûrement ri au nez, sinon je lui aurais mis un coup de poing dans la figure.
Le fait est que c'est ce qui s'est passé. Je me demande quand même si Jarod ne l'a pas fait exprès. Bien sûr, il ne se serait pas pris une balle dans la cuisse volontairement - quoique si ça peut lui éviter de retourner au Centre... - mais ne m'a-t-il pas demandé si j'étais sûre que les choses se passeraient telles que je les avais prévues ?
Nous sommes là, assis sur le tas de feuilles, le dos appuyé contre un arbre, en silence. Seul un oiseau vient interrompre l'ambiance qui s'était installée.
Jarod semble perdu dans ses pensées. Il regarde dans le vide. Puis, il jette un oeil sur moi et, après quelques secondes, approche sa main de ma tête. C'est alors que je sens tous mes muscles se crisper. Mes doigts s'agrippent à ma veste, posée sur mes genoux. Jarod a dû le sentir parce qu'il s'arrête, la main en l'air.

- Tu... Tu as encore une feuille dans les cheveux... explique-t-il.

Je le laisse à contrecœur m'enlever cette foutue feuille.
Je suis énervée. Enervée que cette feuille se soit trouvée dans mes cheveux. Enervée que Jarod l'ait enlevée. Enervée de m'être senti rougir jusqu'aux oreilles alors qu'il n'y avait pas la moindre raison et énervée d'être assise là, sans rien faire, en compagnie de Jarod !

- J'ai soif... pas toi ? Demandé-je au bout d'un certain temps.

Et puis tout à coup je me souviens que ça fait pas mal de jours que Jarod n'a pas bu...

- Je... je vais essayer de trouver de l'eau, dis-je.
- Tu vas te perdre.
- Je n'ai pas envie de mourir de soif.

Jarod réfléchit un instant.

- Tu n'as qu'à faire comme le Petit Poucet.
- Quoi ?!

Alors là, j'en suis sûre, il a complètement perdu la tête !

- Et tu ne veux pas, pendant que j'y suis, que j'aille porter le panier rempli de petits pots de beurre à Mère-Grand. Tu ne me dis pas, non plus, de rentrer avant minuit ? Attention, mon carrosse risque de disparaître !
- Fais comme tu veux, lâche-t-il dans un soupir.

Je ne réponds pas et m'enfonce dans la forêt.
Je regarde autour de moi : des arbres, des arbres et des arbres. Tous aussi semblables les uns que les autres. C'est malin !
J'attends d'être suffisamment loin de Jarod pour poser des petits cailloux derrière moi.
Je marche quelques temps et tends l'oreille. J'entends un bruit sourd. Qu'est-ce que ça peut bien être ? Je m'avance vers ce bruit... On dirait une rivière qui coule… oui ! C'est ça !
Je commence à marcher de plus en plus vite, sans oublier de semer mes petits cailloux. Enfin, j'arrive à la rivière. C'est une cascade qui se déverse dans une rivière. C'est magnifique !
Je m'approche et regarde la beauté du spectacle qui s'offre à moi.

- Flash-back -

Mlle Parker doit avoir dans les alentours de 13 ans, elle marche dans les couloirs du Centre en prenant bien garde de ne pas se faire voir par les caméras et s'engouffre dans la salle de simulation de Jarod.

- Mlle Parker, s'écrie Jarod en la voyant. Qu'est-ce que tu viens faire ici ?
- Papa a demandé à voir Sydney en privé alors j'en ai profité pour venir te voir.
- C'est gentil, répond Jarod, en rougissant légèrement.

Elle a toujours trouvé mignon le fait qu'il se mette à rougir quand elle lui parlait. Elle n'a jamais su vraiment pourquoi il rougissait mais ça l'amusait. Elle regarde ce qu'il est en train de faire.

- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je dois inventer un plan de survie ; ce qu'il faut faire quand on campe dans une forêt.

Mlle Parker le regarde et s'approche de la table où est construite une maquette. Des arbres et des bonshommes.

- Et qu'est-ce qu'il faut faire ?
- Et bien, tout dépend de l'équipement que l'on a prévu : de l'eau, des cordes, des sacs de couchage.
- Et si on n'a pas tout ce matériel ?
- Alors il faut se débrouiller avec les moyens du bord...

Elle tourne la tête vers lui.

- C'est à dire ?
- Et bien, pour l'eau, il y a souvent des rivières dans les forêts, sinon, les arbres ne pousseraient pas alors il faut trouver une source. Mais il faut trouver une source qui s'écoule, si c'est un lac, ça ne va pas.
- Pourquoi ? Demande-t-elle étonnée.
- Quand l'eau se déverse, elle entraîne toutes les saletés avec elle. Si elle ne s'écoule pas, les saletés restent et ça finit par polluer l'eau. Il faut toujours chercher une rivière.

Elle le regarde, impressionnée.

- Fin du flash-back -


Je me penche donc et bois à la source.
L'eau glacée se répand dans ma gorge et je la sens descendre dans mon estomac. Peu importe qu'elle soit froide, j'ai soif.
Je pense à Jarod. Il faut que je lui ramène de l'eau, il est très mal en point. Je regarde autour de moi. Qu'est-ce que je pourrais prendre pour transporter l'eau ? Je souris en pensant que Jarod n'avait pas pensé à l'éventualité qu'il y ait une personne qui ne puisse pas se déplacer.

- C'est vrai, je n'y avais pas pensé, déclare une voix derrière moi.

Je me retourne brusquement. Jarod. Cette manie qu'il a de lire dans mes pensées ; c'est insupportable. Quand on y pense, il y a plein de choses insupportables chez Jarod.
Il a pris un bâton dans ses mains liées par les menottes et s'en sert comme canne.

- Comment est-ce que tu... commencé-je inutilement avant de m'arrêter.
- Oh... et bien, j'ai trouvé des cailloux sur le chemin. J'ai décidé de les suivre et... ils m'ont amené jusqu'à toi, c'est amusant, non ?

Je détourne le regard mais je peux sentir son sourire. Son insupportable sourire.

- Elle est bonne ? Me demande-t-il... L'eau, ajoute-t-il après un moment.

Je hausse les épaules. Il s'approche et tente difficilement de se mettre à plat ventre pour boire. Je le vois plier sa jambe saine et se tordre dans tous les sens pour s'abaisser. Il manque même de se casser la figure...
Je m'avance et dans un soupir, je l'aide à s'allonger et à boire.
Il passe bien cinq bonnes minutes à boire... il devait vraiment avoir soif... Enfin il s'arrête.

- Merci... dit-il enfin.

Je souris malgré moi et l'aide à se relever.

- Bon, déjà deux problèmes de réglés, annonce-t-il.
- Tu es encore à moitié endormi... dis-je.
- Oh... ça, ça n'est pas très grave, lance-t-il et... aussi étrange que ça puisse paraître, il se jette dans la rivière !!

* * *

Jarod :

Je me suis jeté dans la rivière ; je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris !
Et tans pis si je ne sais pas comment je vais faire pour remonter, tant pis si mon pansement va être trempé, tant pis si Mlle Parker me prend pour un dégénéré et tant pis si je n'ai pas d'affaires sèches, au moins j'aurais passé un bon moment dans l'eau !
Et puis en plus, le courant n'est pas très fort à cet endroit et on peut pleinement en profiter !

- TU ES DEVENU COMPLETEMENT CINGLE !!!!! Me lance hystériquement Parker au bord de l'eau.
- Mais non, elle est bonne ! Tu devrais venir !
- Alors là, tu peux rêver...
- Tu as tort, lui répondé-je tout en faisant la planche.

Elle me regarde fixement. Elle doit vraiment penser que j'ai perdu la tête.

- Et tes affaires ? Elles vont être trempées ! Et ton pansement sera tout mouillé !
- Tu penses trop, Parker.
- Je ne suis pas tarée, répond-t-elle dans un murmure.

Je plonge et reste sous l'eau. Je me sens bien sous l'eau. J'ai l'impression que je suis coupé du monde extérieur et que rien ne peut m'atteindre. Comme un bébé dans le ventre de sa mère. J'ouvre les yeux, l'eau est claire. Au fond, il y a quelques cailloux et quelques poissons.
Je remonte. Parker est toujours debout et elle me domine de toute sa hauteur, les bras croisés.

- Tu comptes rester longtemps ? Me demande-t-elle enfin.
- Et bien, dis-je en m'approchant, pourquoi est-ce que tu ne me rejoins pas ?

Et tout en disant ces paroles, j'attrape le bas du pantalon de Parker et l'entraîne dans l'eau !

 

Chapitre 8 :

Toujours au même endroit, 3 secondes plus tard :

Mlle Parker :

Ma première réaction, dès que j'ai réalisé ce que Jarod m’avait fait, a été de le couler et de le regarder s'asphyxier. Puis j'ai essayé de me rappeler la dernière fois que j'ai été à la piscine et j'en ai jugé que c'était plus prudent de ne rien tenter... Ce n'est pourtant pas l'envie qui me manque !!
Une fois remontée à la surface, je ne prends même pas le temps d’ouvrir les yeux et crache à l’aveuglette :

- JAROD, JE VAIS TE TUER !

Je n’y crois pas ! Il a osé ! Et en plus, au lieu d’avoir des remords, il se met à rire comme un fou furieux !

- Ne t’en fais pas, Parker, c’est juste de l’eau ! Réussit-il à dire entre deux éclats de rire. Ton ensemble Chanel sera comme neuf une fois sec ! Et puis… reconnais qu'elle est bonne, ajoute-t-il calmement.
- Mais ce... ce...

Je ne trouve même plus les mots... tellement... tellement je ne m'étais pas attendue à une telle chose ! Pourtant, j'aurais dû ! Avec Jarod, il faut s'attendre à tout !

- TU... TU... commencé-je... TU
- Je t'ai offert un bain dans la nature !

Et il dit ça tellement... calmement !!

- Ca fait combien de temps que tu ne t'es pas baignée ? Me demande-t-il.
- J'ai pris un bain, il y a une semaine...

Il me regarde et souris.

- C'est bien ce que je pensais, ajoute-t-il.
- Tu penses trop...

Là, il sourit franchement et je ne peux pas m'empêcher d'en faire autant... Nos regards se croisent...

J’essaie de garder au maximum la tête hors de l’eau parce que même si le bout de mes orteils touche le fond, ce n’est pas une position franchement confortable. Je fais aller mes jambes pour faire au moins semblant de nager. Ce n’est pas digne d’une pro mais remarquez, si par malheur, ma jambe donnait un coup entre les deux jambes de Superboy, je crois que je ne m’en voudrais pas.
Je détourne le regard et il tombe sur l'une de mes boucles d'oreille. Elle a du tomber quand Jarod m'a attirée dans l'eau. Il l'a vu aussi et s'avance pour l'attraper mais là, au lieu de me la rendre, il la regarde puis, lorsque son regard croise le mien, je vois que ses yeux me lancent un défi.

- Jarod, rends-la-moi... dis-je calmement, redoutant le pire.

Il sourit et se lance en arrière.

- Viens la chercher !

Et il se met à nager sous l'eau. Il a appris à nager avec des menottes ou quoi ?!
Je soupire et le sourire qui était apparu sur mon visage cinq minutes plus tôt disparaît pour laisser place à une exaspération sans limite.

- JAROOOOOOOOOOD !!!!

Il ne m'a pas entendue et continue à s'éloigner de moi.

- Jarod, rends-la-moi ! Dis-je en essayant de le rattraper.

Il se met vers la gauche de la rivière et dès que je m'approche, il se jette vers la droite et nage le plus loin possible de moi.

- Jarod, ne fais pas l'enfant !
- Je n'ai pas eu la chance de me comporter comme ça étant enfant alors je me rattrape comme je peux...

Là, il ne sourit plus du tout. Il s'approche aussi du bord, à environ deux mètres plus bas que moi.
« Raines fait de Jarod un rat de laboratoire et vous, vous faîtes l'autruche. »
C'est une phrase que j'ai dite à Sydney au moment où Broots et moi avons découvert qu'il avait été drogué par Raines... elle me saute à la figure.

- Je suis consciente que Raines t'a fait subir des atrocités, Jarod, mais... mais moi, je n'ai rien à voir là dedans !
- Pourtant, en me traquant sans relâche, tu acceptes les ordres de Raines. Tu te ranges du côté de l'assassin de ta propre mère !
- Arrête de toujours ramener le sujet à ma mère, Jarod !!

Je suis furieuse. Je suis trempée, j'ai froid, Jarod m'énerve et on s'engueule pour la énième fois. Toujours à propos du même sujet !

- Ca n'enlève rien au fait que tu suis les ordres de ce monstre !! Ajoute Jarod.
- JE SUIS LES ORDRES DE MON PERE, JAROD !! Hurlé-je.
- TON PERE S'EST JETE DU HAUT D'UN AVION POUR ARRETER CETTE MALEDICTION !! Rugit-il en retour. Ecoute, je sais que tu as subi des choses horribles toi aussi mais…
- Oh, s’il te plaît, Jarod, épargne-moi ta pitié !

Il me regarde d’un drôle d’air et finit par répondre :

- Ce n’est pas de la pitié.

Je suis au bord des larmes et j’ai de plus en plus de mal à respirer.

- Ah oui, et qu’est-ce que c’est alors ?

Il ne dit rien.

- Je ne suis même pas sûre de qui est mon père, murmuré-je, une grosse boule dans la gorge...

Jarod s'approche de moi doucement. Il approche sa main et, hésitant et doucement, la pose sur mon épaule. Je le sens se rapprocher. Il fait glisser sa main et... je m'écarte.

- Laisse-moi !
- Parker...
- Non, tais-toi !

Il ne dit plus rien.
Je l'entends se hisser sur le bord avec difficulté (je ne sais pas comment il fait avec une jambe handicapée et des menottes...) et je le vois ramper jusqu'à sa canne. Il se lève péniblement et me regarde.
C'est à mon tour de me hisser. Jarod s'avance vers moi pour m'aider à me relever et c'est là qu'une lutte acharnée commence en moi. Accepter cette main tendue ou pas ?
Je suis épuisée d'avoir crié et l'eau pénètre dans mes habits. J'ai mal aux bras, j'ai mal aux jambes, j'ai mal à la tête, j'ai mal au cœur...
J'attrape finalement sa main et éclate en sanglots. Il s'accroupit à côté de moi et prend ma tête entre ses mains avant de la poser contre lui. Qu’est-ce que je suis en train de faire ??
Quelques gouttes commencent à tomber et bientôt, une pluie diluvienne s'abat sur nous. Elle est bientôt rejointe par des éclairs et des coups de tonnerre. On reste assis là où on est. Moi, à moitié allongée sur Jarod qui est assis et me tient la tête sur son torse. De toutes façons, on est déjà mouillés alors...
Le ciel semble se décharger d'un gros fardeau qui était posé sur ses épaules. Il semble se soulager.

* * *

Jarod :

Elle s'est mise à pleurer.
Elle a laché toutes les larmes - enfin une bonne partie - qu'elle gardait au fond d'elle depuis trop longtemps. Elles étaient trop longtemps enfouies ; il fallait qu'elles sortent et je suis heureux d'avoir été là à ce moment. Pas que je sois heureux qu'elle se soit abaissée devant moi (et Dieu me garde de lui faire la remarque !) mais heureux d'avoir été là à ce moment pénible de sa vie. C'est ce que j'ai toujours fait, non ? Du moins, j'ai toujours essayé d'être là, à ses côtés, pendant les moments difficiles.
Lorsqu’elle m’a demandé qu’est-ce que c’était, si ce n’était pas de la pitié, je n’ai rien répondu. Je ne pouvais quand même pas lui dire vraiment ce que c’était… si ?

La pluie vient de s'arrêter ; les larmes de Parker aussi.
Je n'ose pas bouger, de peur de sa réaction...
Elle ne bouge pas ; elle reste collée à moi. Elle s'agrippe à moi...
Décidément, les choses étranges sont à l'ordre du jour... je ne sais plus quoi faire. Je suis désemparé devant ce genre de réaction. Je ne sais pas vraiment comment interpréter ce qui vient de se passer. Je crois qu'il vaut mieux pour nous deux que je ne cherche pas d'explication.
A un moment, elle desserre les doigts qui s'étaient agrippés à ma chemise trempée. Elle s'écarte lentement et, sans un mot, sans un regard, se lève. Je me mets debout à mon tour et la suis.

 

Chapitre 9 :

Au même endroit :

Jarod :

Je marche toujours derrière elle et, suivant les cailloux disposés à la manière du Petit Poucet, nous regagnons tout doucement notre petit coin, avec le tas de feuilles...
Elle essuie, avec la manche de son chemisier trempé, les quelques larmes qui coulaient encore sur ses joues, renifle deux ou trois fois, passe sa veste (mouillée) par dessus ses épaules et va s'installer sur le tas de feuilles.
Je regarde autour de moi : ma veste repose sur l'herbe à présent trempée. Je crois qu'elle ne va plus me servir pour me tenir chaud... (Et je crois que ça ne sert à rien de compter sur la chaleur humaine...)
Je soupire et jette un oeil sur Parker.
Elle s'est adossée sur l'arbre de tout à l'heure et a levé la tête vers le ciel. Ses cheveux mouillés et emmêlés lui donnent un aspect totalement différent. Ce n’est plus la Mlle Parker toujours impeccable, sans la moindre tache ni mèche de cheveux de travers. Ca lui donne un côté plus… humain.

- Tu sais quel jour on est demain ? Lui demandé-je.

Elle tourne la tête vers moi et me fixe. Elle semble réfléchir quelques instants et soudain, son regard s'éclaire.

- C'est l'anniversaire de Sydney... murmure-t-elle.

J'acquiesce silencieusement.

- Tu te souviens... commencé-je puis, voyant qu'elle ne me lance aucune menace... il y a une vingtaine d'année, continué-je... je t'avais confié les 5 $ que j'avais réussi à voler à un des nettoyeurs pour que tu achètes un cadeau à Sydney de ma part.

Elle sourit légèrement et dit :

- Je ne savais pas quoi lui acheter mais tu avais l'air de tellement y tenir que je me suis creusé la tête.
- Tu m'as finalement rendu les 5 $ et tu m'as dit que Sydney pouvait avoir tout ce qu'il voulait grâce à l'argent du Centre. Tu m'as conseillé de trouver quelque chose de spécial, quelque chose qu'il ne puisse pas acheter...

Elle attrape un petit bâton et trace machinalement des formes sur la terre à côté du tronc. Je m'approche et m'assois à côté d'elle.

- Tu... tu lui as finalement offert une cravate... dit-elle.
- Oui, j'ai pris la cravate du costume que je portais lorsque je devais être présenté aux gens de la Tour. Je l'ai nouée et je la lui ai donnée.
- Je me souviens que je suis allée le voir ensuite, dans son bureau. J'ai passé la tête par la porte et je l'ai observé. Il était assis sur son bureau et tenait ton cadeau entre ses mains. Quand je suis entrée dans la pièce, il a paru surpris de me voir là. Il s'est redressé brusquement et je l'ai vu se frotter les yeux et attraper un mouchoir...

Je tourne brusquement la tête vers elle.

- Tu ne me l'avais jamais dit...
- Maintenant tu le sais, dit-elle en haussant les épaules.

Je lui souris mais elle baisse les yeux et continue:

- J'ai ensuite dû trouver d'urgence une nouvelle cravate avant que Raines ne s'en aperçoive... Sydney avait l'air tellement inquiet à ton sujet, ajoute-t-elle devant mon regard interrogateur, que je lui ai promis de faire ce que je pouvais pour t'éviter des ennuis.
- Ca non plus, tu ne me l'avais jamais dit. Je pensais que les nettoyeurs avaient été chargés de me trouver une nouvelle cravate après que j'aie dit à Raines que je l'avais perdue.

Elle frissonne légèrement et continue à tracer des cercles et des traits sur la terre.
Je regarde en l'air et me rends compte qu'il commence à faire noir... et sacrément froid par la même occasion.

- Je... je crois qu'il est temps de faire un feu, dis-je en me levant.
- Ca va être pratique avec du bois mouillé...

Je la regarde et dois bien admettre qu'elle a raison.

- Oui mais bon, qui ne tente rien... lancé-je.

Elle soupire pour m'éviter de continuer.
Je me lève et me dirige vers le tas de bois. J'en choisis quelques morceaux, en dessous. Ceux qui n'ont pas été trop mouillés. Je les dépose ensuite près de Mlle Parker qui continue à trembler. Je m'en veux. Je n'aurai pas dû l'attirer dans l'eau. D'accord, on a passé un bon moment (enfin, moi en tous cas) mais bon...

- Tu as un briquet ? me demande soudain Parker, toujours assise au pied de l'arbre.
- Non mais... on va faire comme au bon vieux temps...

Elle lève les yeux au ciel et soupire bruyamment.
Je ne dis rien et m'installe par terre avec deux bouts de bois : un large, plat et un fin, pointu.
Je commence à faire rouler le petit sur le gros et au bout de quelques minutes, une étincelle jaillit.

- Ah ! Tu vois !
- Ben voyons, ce n'est pas avec une étincelle toutes les dix minutes qu'on va se réchauffer...
- Patience...

Et je recommence. Mes bras fatiguent à force de frotter le bâton mais il faut absolument que le feu prenne. Parce que sinon, nous avons peu de chances d'en ressortir vivants étant donné qu'en cette période de l'année, la température, la nuit, doit avoisiner les deux degrés. Parce que sinon, Mlle Parker va me tenir responsable de la situation (ce en quoi elle n'a pas tout à fait tort...) et enfin parce que je veux montrer à Parker que cette technique marche et que dans la vie, il faut toujours essayer de s'en sortir. Enfin, je dois bien admettre que faire du feu à la manière des hommes préhistoriques avec les mains menottées n'est pas ce qu’il y a de plus évident.
Depuis les cinq minutes que je m'acharne à faire du feu, seules cinq étincelles ont jailli...
Je continue de frotter avec plus d'acharnement. Il faut que ça prenne !
Puis, en tournant la tête vers Parker, je remarque qu'elle me tend un briquet...

- Je ne vais pas attendre d'être congelée... me lance-t-elle en guise d'explication.

Je la regarde, tout en continuant à frotter.

- ... et puis... non, je ne pouvais pas le dire plus tôt... ajoute-t-elle une pointe d'amusement dans la voix.

Je jette un oeil au briquet et tourne la tête pour regarder ce que je fais. Une maigre flamme vient de prendre sur le bout de bois.

- C'est dépassé, les briquets, dis-je tout simplement avec un sourire en ajoutant un autre bout de bois au-dessus de la flamme.

Je sens Parker fulminer puis ranger le briquet dans sa poche.

- D'ailleurs... dis-je en me tournant vers elle... je pensais que tu avais arrêté de fumer.
- Exact... et je dois bien avouer que c'est la décision la plus stupide de mon existence... Mais... non, Jarod, je n'ai pas recommencé, je garde toujours un briquet dans ma poche au cas où l'idée me prendrait de te brûler avec, ajoute-t-elle, une lumière dans les yeux...

Je baisse la tête.

- Ca ne te dirait pas d'arrêter ?
- De quoi ?

Je la regarde. Elle me regarde. Je crois que je ne devrais pas mais je ne peux pas m'empêcher de dire :

- De me détester.

Elle lève un sourcil et éclate d'un rire qui me met mal à l'aise.

- C'est la meilleure !! Tu me fais courir aux quatre coins des Etats-Unis, tu occupes 90% de mon temps, tu t'amuses à me faire enrager avec tes blagues idiotes et tu me demandes de ne pas te détester ?
- Ne renverse pas les torts, Parker. Je ne t'oblige pas à me courir après, murmuré-je mais apparemment assez fort parce qu'elle m'attrape par le col et approche son visage du mien.

Je ne sais pas pourquoi mais pendant les quelques secondes qui ont suivi, j'ai oublié le contexte dans lequel nous étions : les arbres avaient disparu, le feu qui crépitait à côté était parti, le froid, le vent et nos habits trempés étaient partis, le fait que nous soyons dans une situation hors de l'ordinaire m'avait échappé... je ne voyais que les yeux de Parker et bien qu'ils lançaient des flammes, je ne pouvais pas m'empêcher d'espérer de toutes mes forces que nous n'avions pas grandi. Que nous étions restés les amis que nous étions. Les enfants insouciants que nous étions. Puis tout l'environnement est réapparu brusquement lorsqu'elle m'a lancé :

- Si tu n'avais pas eu la stupide idée de te sauver de ta cage, je ne vivrais pas ce cauchemar !!

Elle me lâche violemment et se replace dos au tronc.

- Donc, d'après toi, j'aurais dû laisser le Centre m'utiliser à des fins meurtrières, passer 24h/24 enfermé et ne rien voir du monde extérieur ?

Elle ne répond pas mais en la regardant, je vois ses yeux ciller.

 

Chapitre 10 :

Au même endroit :

Mlle Parker :

Ca a toujours été comme ça avec Jarod. Enfin, non... En fait c'est comme ça depuis que Jarod s’est échappé. On se parle, on s'engueule, on se parle, on s'engueule.
C'est comme ça et l’on n’y peut rien. Je suis condamnée à courir après lui jusqu'à ce que je l'attrape et lui, il ne voudrait pour rien au monde retourner au Centre... Un cercle vicieux.
Parfois je me demande pourquoi il nous laisse tous ces indices. Enfin bon, je ne vais pas me plaindre parce que je dois quand même admettre que si, même avec ses indices il m'échappe, je ne vois pas comment je l'attraperai sinon...
Non mais, il ne faut pas se mentir... c'est un Caméléon après tout !
Mais alors pourquoi ? Pourquoi s'obstine-t-il à garder contact avec nous ?
Il m'aide avec mon enquête sur ma mère. Je sais que pour ça, je peux lui faire confiance : s'il sait quelque chose sur ma mère, il me le dira. Et puis, avec Sydney et Broots, nous avons quand même découvert plusieurs horribles choses sur le Centre grâce à Jarod. Je pourrai lui faire une fleur pour une fois... une fois n'est pas coutume...

Mais parfois, qu'est-ce qu'il m'énerve !!!
Comme quand il me pousse à bout ! Qu'est-ce qu'il peut être pénible à certains moments...
Il veut me faire dire des choses, il me provoque. Et le pire, le pire, c'est que je me laisse prendre à son jeu! C'est vrai quoi ! Je pourrais l'ignorer, tout comme je pourrais ignorer ses indices mais... je ne sais pas... une force inconnue me pousse à lui répondre.
"Donc, d'après toi, j'aurais dû laisser le Centre m'utiliser à des fins meurtrières, passer 24h/24 enfermé et ne rien voir du monde extérieur ?"
Je n'ai rien répondu. Terrain glissant. Il veut me faire dire ce qu'il veut que je dise, c'est à dire me sentir coupable de la situation ; il veut me prendre par les sentiments. Bon, je reconnais que ce n'est pas très compréhensible comme ça mais c'est parfaitement clair dans mon esprit ! C'est tellement stupide !
Evidemment que ce n'est pas humain de garder un être enfermé 24h/24 et l'utiliser à des fins meurtrières! (Et Jarod n'a pas manqué une occasion pour nous montrer à quel point les agissements du Centre sont... inimaginables) mais je ne peux pas dire oui... parce qu'alors là, ça voudrait dire qu'il a gagné et ça... ça... je ne peux pas.
Je ne peux pas trahir le petit garçon que j'ai connu lorsque j'avais une dizaine d'années... mais le Caméléon après qui je cours n'est pas ce petit garçon - du moins, il ne l'est plus. Ce temps là est du passé ; c'est fini. Nous avons grandi, nos chemins se sont écartés et puis, parce qu'il s'est enfui, ils se sont à nouveau croisés.
Depuis 5 ans, le regard que je portais sur Jarod a changé. Avant cette fameuse nuit où il est parti, il était toujours ce petit garçon si triste et si... doux que j'avais connu dans mon esprit. Mais depuis...

Je soupire.
Que la vie est compliquée !
Retour à l'instant présent. Jarod a raison : je pense trop...
Il fait sombre maintenant, et je dois bien admettre que d’avoir le feu à côté est vraiment agréable. Je tourne la tête vers lui : il s'est levé, s'est installé au pied de l'arbre en face de moi, s'est rapproché du feu et regarde dans le vide. Je peux donc me laisser aller à l'observer...
Il est aussi perdu dans ses pensées que moi. Il a l'air triste. Mais tout de même, en observant bien ses yeux, je vois une lueur qui n'était pas là quand il était au Centre. Sa liberté - surveillée mais liberté tout de même comparée à ses trente premières années - a fait naître une lueur d'espoir dans ses yeux. Je la vois, elle brille dans ses yeux sombres. Cette lueur, je ne la voyais jamais avant. Parfois, ses yeux s'illuminaient quand je venais le voir au Centre mais c'était toujours de courte durée.
La lumière du feu se reflète sur son visage. Il n'a pas beaucoup changé. Les traits de son visage se sont durcis et il a la trace de la barbe qui n'a pas été coupée depuis quelques jours mais sinon, il a la même tête que quand il avait dix ans. Je souris malgré moi.
Il revient à lui, et je détourne le regard.
Il bouge légèrement et se met à se frotter le bras pour se réchauffer puis s'agenouille près du feu et rajoute du bois.
Le feu a bien pris à présent et des flammes hautes dansent au-dessus des bûches. Je sens la chaleur sur mon visage et sur mon corps. J'approche ma veste du feu pour qu'elle sèche.
Je ne sais plus quelle heure il est : ma montre s'est arrêtée quand je suis allée dans l'eau - quand Jarod m'a attirée dans l'eau.
Je frissonne légèrement et Jarod tourne la tête vers moi à ce moment.

- Tu as froid ?

Je hausse les épaules.
Il écarte le bras pour attraper sa veste qu'il a mise à sécher, se lève et me la dépose sur les épaules tout en s'asseyant à côté de moi. Je ne peux pas m'empêcher de me décaler de quelques centimètres.

- Je suis désolé, me dit-il. Je n'ai pas de thé à t'offrir.

Le tableau se dessine alors devant moi :

- Flash-back -

Trois mois plutôt, sur l'île de Carthis. Pendant la tempête du Diable, Jarod et Mlle Parker trouvent refuge chez Ocee, l'herboriste de l'île. Ils sont trempés. Mlle Parker a une couverture sur elle - une couverture que Jarod lui a mise sur les épaules. Ils sont assis au bord d'un feu dans une cheminée, une tasse de thé à côté d'eux.

Jarod : ... Je sais que tu ne veux pas entendre ça mais au fond, tu le sais bien. Tu as été prisonnière du Centre toutes ces années, tout comme moi. Et au fil de tes découvertes, tu as réalisé que le Centre t'a toujours traitée en paria... tout comme moi.
Mlle Parker : Pourquoi faut-il que la seule personne dont on m'a enseigné à me méfier... que je devais haïr et capturer... soit toujours près de moi...chaque fois que je traverse une épreuve difficile dans ma vie ?
Jarod : Peut-être que... les choses devaient se passer ainsi...

Ils se rapprochent, tout doucement. Se regardent dans les yeux, continuent à se rapprocher. Ils ne sont plus qu'à quelques centimètres...

Je trésaille...

Ocee : Je ne voudrais pas vous déranger mais voulez-vous une autre tasse de thé ?
(noooooooooooooooonnnnnnnnn !!)

Beaucoup plus tard, dans la voiture :

Jarod : Quand des gens doivent prendre un tournant et s'obstinent à foncer droit devant eux, ça me chagrine (...) Je sais que nos serments d'allégeance sont rarement compatibles mais j'ai toujours senti... j'ai toujours su... que nos vies ne se réduisent pas uniquement à jouer au chat et à la souris.
Mlle Parker : Et si on faisait seulement ce qu'on a à faire dans cette vie pour s'en sortir, Jarod ?
Jarod : Je crois que nous méritons tous les deux une vie meilleure.
Mlle Parker : Je... J'aimerais que tu oublies ce qui est arrivé... Ce bref instant de faiblesse. C'est seulement quand on a quelque chose vers quoi se tourner qu'on prend le tournant...

- Fin du flash-back -


- Je me passerai du thé... répondé-je finalement.

Il me regarde dans les yeux et, après quelques secondes de malaise, je détourne le regard.

* * *

Jarod :

Parfois, avec Parker, on n'a pas besoin de mots pour se comprendre. Ou alors, des phrases implicites. Mais souvent, rien qu'avec le ton ou le regard, on arrive à se comprendre... c'est... étrange et à la fois amusant.
Je sais que les événements de Carthis ont réapparu dans son esprit, tout comme je sais qu'elle sait que les événements ont aussi réapparu dans le mien... Tout ça en parlant de thé...
Un sentiment de malaise s'est installé entre nous. Nos regards évitent de se croiser et je la sens tendue.
J'ai dû rester trop longtemps perdu dans mes pensées parce que je réalise soudain que Parker est en train de me lancer un regard interrogateur.
Je reprends mes esprits.

- Tu disais ?
- Je te demandais... comment allait ta blessure, dit-elle.

Oh... ah, oui, c'est vrai. J'avais complètement oublié. Je regarde ma cuisse : la tache qu'avait fait mon sang tout à l'heure est toujours là mais je crois qu'il a fini par arrêter de couler.

- Je... je crois que ça va mieux... merci.

Je la regarde et soudain je me rends compte à quel point ses yeux sont bleus. Des yeux qui reflètent tout ce qu'elle ressent. D'ailleurs ne dit-on pas que les yeux sont le miroir de l'âme ? Elle a la peau pâle. La peau de quelqu'un qui passe son temps à travailler, qui ne prend jamais de vacances. (Il faudrait que je songe, un jour ou l'autre, à l'envoyer me chercher à Hawaii...) Sa peau, d'une pâleur cadavérique, contraste assez fortement avec ses cheveux noirs entourant joliment son visage. Des lèvres fines, tout comme ses sourcils. Des traits parfaitement tracés, sans bavures.
On peut lire sur son visage le nombre d'épreuves qu'elle a dû affronter. J'ai l'impression de voir son visage pour la première fois...
Je déglutis péniblement; une grosse boule m'empêche d'avaler... et de respirer. Qu'est-ce que je suis censé faire ? Ses yeux brillent d'une lumière étrange.
Je m'approche lentement, comme hypnotisé. Parker est toujours en train de me fixer. Je sens sa respiration s'accélérer. Comme elle ne fuit pas devant mon avance et que je n'ai pas encore reçu de baffe, je me rapproche de plus en plus, tout doucement. Nos visages ne sont plus qu'à cinq centimètres l'un de l'autre. Son regard quitte le mien pour descendre et je fais de même avant de fermer les yeux. Je décide de jouer le tout pour le tout et tant pis si demain je n'ai plus de langue après que Parker me l'aura arrachée...
Ses lèvres frôlent les miennes et je laisse un frisson suivi d'une bouffée de chaleur m'envahir. Je me laisse emporter par l'étrangeté de la situation et laisse mes mouvements libres s'aventurer sur ce terrain inconnu. Enfin, inconnu depuis 25 ans...

 

A suivre

 

Pour m'envoyer vos fanfics (tous formats compatibles avec les logiciels courants de Windows - même Xp, pas de pb), écrivez-moi : delphinevb@chez.com . En général, je m'efforce de lire très vite les textes qu'on m'envoie, même si je ne les publie pas aussitôt (cause forfait, et puis travail aussi ;-) ...), afin de proposer un petit commentaire (un auteur attend généralement des feedbacks, j'en sais qqch...).

Sydnette la Psy Caméléonne.

 

© Onyssius, 2003, in Le Monde d'Ondinaphaë.

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